Très peu de fois, j'ai eu des larmes aux yeux à l'annonce d'un décès. Et peu de fois également j'écris sous le choc, pour rester asserpathique (assertif et empathique). Mais aujourd'hui, je ne puis me contenir en lisant ces mots reçus du Rocaré par le biais de N'Dédé Florence que je remercie -de même que le Rocaré et son Coordonnateur National- car, personne, même pas ma section ne m'en a parlé avant:
"La Coordination Nationale du ROCARE Côte d'Ivoire est en deuil. En effet, le Professeur TAPE Gozé, premier Coordonnateur National et actuel Président du Comité Scientifique National s'est éteint le 04 Août 2011.
Cette disparition constitue une grande perte pour le monde de la recherche en Education et pour notre réseau.
Pour le Bureau de la Coordination Nationale du ROCARE Côte d'Ivoire
Le Coordonnateur National
François Joseph AZOH".
Lorsque le professeur Tapé Gozé, ancien Directeur Général de l'Ecole Normale Supérieure d'Abidjan (ENS) devait aller au Cames pour être professeur titulaire, il hésitait beaucoup, on l'y a encouragé et aujourd'hui c'est un homme à la carrière comblée qui s'éteint. J'ai pu voyager avec le défunt en 2008 au Mozambique, à l'occasion de la II Rencontre des Universités Africaines et Espagnoles. Il devait encore être avec moi en 2010 à Las Palmas des Îles Canaries lors de la III Rencontre. Au dernier moment, alors que tout était prêt, il me dit qu'il ne pouvait pas, pour raison de santé. Je pensai qu'il avait reçu des pressions pour ne pas aller avec moi pour des raisons idéologiques. Ou que comme assez de langues s'étaient déliées après le voyage mozambicain allant même à dire souvent qu'ils ne comprenaient pas pourquoi c'est avec moi qu'il avait voyagé alors que depuis plus de vingt ans ils enseignaient à l'ENS et n'avaient jamais voyagé avec aucun directeur de l'ENS alors qu' il n'y avait pas trois ans que j'y étais recruté. Mais voyant ma déception, il se confia à moi disant que normalement il part en France chaque année pour des soins et que le médecin venait de lui conseiller deux mois de repos qui couvraient la période de notre voyage. Alors il m'avoua un problème avec la colonne vertébrale et que là où il était assis en face de moi, il portait un appareil (information que je gardai pour moi jusqu'à maintenant). C'est ainsi, que séance tenante il me dit: "Parle avec les espagnols, si mon nom peut encore être remplacé sur le billet d'avion et les autres documents de la Rencontre". Ce que je fis immédiatement. Il proposa alors le professeur Yépri Sabrou Léon. L'Espagne prenait tout en charge. Mais il ajouta: "En plus il y a la campagne électorale présidentielle qui sera lancée bientôt". Je pensai au fond que cette dernière raison était la vraie. Mais que non! Mais cela a pu jouer, car il a dû faire fi dans ce cas des consignes médicales -je n'en ai point la preuve-. Des nombreuses rencontres que j'ai eues avec lui, c'était la première fois qu'il faisait allusion à la politique et il n'en a pas dit plus.
Le professeur Tapé Gozé, très conciliant ne s'occupait ni de l'âge, ni du bord politique, ni rien sinon la compétence, le travail bien fait. Sinon, il ne m'aurait jamais ouvert ses portes, car à part le travail, tout semblait nous séparer. En tant que spécialiste de la recherche sur l'intelligence, il sait que celle-ci n'a point besoin de la politique pour être. Lorsque je proposai la fête interculturelle et gastronomique à l'ENS, malgré les hésitations, il en accepta le financement. Le succès fut tel qu'on l'institua annuellement. Dans ce contexte de réconciliation et de dialogue en Côte d'Ivoire, l'ENS pourrait devenir un véritable laboratoire pour l'équipe de Charles Konan Banny. Dans mon discours de la dernière édition (2010) où le plat imposé était le bété je disais: "Comme vous voyez, depuis toujours nous considérons que la diversité est une chance et non un problème. Or la langue est accompagnée de la culture. La comparaison des langues nous a découvert celle des cultures. Et comme l’a dit le mexicain Octavio Paz, prix Nobel de littérature en 1990, "la culture, c’est les cultures". pour moi, elle se constate, mais ne se juge pas. Elle est dynamique contrairement à la civilisation qui est statique. Et l’étude de l’une ou l’autre dans un temps et un espace déterminé, c’est l’histoire."
Je proposai que pour l'an 2011, le plat imposé soit le baoulé. Le plat imposé de la première édition fut le senoufó, en 2009. Et le plat dioula devrait être imposé en 2012 et ainsi de suite, sauf changement proposé par la nouvelle équipe.
J'ai pris acte de sa substitution et lorsque je devais avoir l'autorisation d'utiliser le logo de l'ENS en tant que membre du comité scientifique du I COngrès Mondial des PROFesseurs d'ESpagnol (www.comprofes.es), au secrétariat du nouveau directeur, le professeur Sidibé Valy, j'appris que le professeur Tapé Gozé ne se sentait pas bien et qu'il était chez lui. Je l'appelai sur son portable, mais c'est sa femme qui me répondit. J'entendis sa voix demander en fond sonore qui c'était. Mais il ne prit pas le téléphone. J'étais déçu, car j'ai pensé que c'était à cause du nouvel ordre politique qu'il ne voulait plus me parler. Mais c'est juste fin juillet qu'un collègue, que j'ai eu sur le net par hasard, me fera savoir que, en fait, il avait des difficultés même pour parler. Alors, j'effaçai cette mauvaise pensée de mon esprit.
Nul n'est parfait, mais vraiment, je ne peux rien dire de mauvais du professeur Tapé Gozé. Il refusait de jouer la fibre de la discrimination et de la promotion ethnique, malgré les conseils de certains. Dans tous les cas, notre meilleur conseiller, c'est notre propre conscience. C'est pourquoi, il faut absolument éviter qu'on nous la ôte.
Il aura tout fait, mais de son vivant l'ENS n'aura pas obtenu d'organiser la Rencontre des Universités espagnoles et africaines en Côte d'Ivoire, à cause de la situation politique précaire et la mésentente chez nous, de telle sorte que bien que très bonne, la candidature que j'ai défendue avec lui en 2008 et avec le professeur Yépri en 2010, c'est le Sénégal in extremis qui sera choisi pour l'an 2012, car pendant que les plus hautes autorités sénégalaises s'impliquaient, les nôtres étaient injoignables -du fait de l'élection présidentielle, nous répondait-on à Abidjan-. Visiblement, cela n’inspirait point confiance en Espagne. Et la crise postérieure semblerait donner raison à nos adversaires et détracteurs.
Si aujourd'hui la Côte d'Ivoire est le seul pays de l'Afrique subsaharienne à être membre du comité scientifique du congrès mondial des professeurs d'espagnol, c'est bien parce qu’avec son accord, on a pu organiser le I Congrès des hispanistes et professeurs d'espagnol d'Afrique à l'ENS en avril 2010. A l'issue de ce congrès, le Dr. Koné Seydou fut élu à une majorité très écrasante comme président de l'Association Africaine des professeurs d'Espagnol comme Langue Etrangère (APELE). L’Institut Cervantès qui l’organise est la plus haute autorité espagnole de diffusion de cette langue.
Reposez en paix, cher maître, dans la paix du Seigneur. "Diem non perdidisti". "Salve!"